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Niger : Résoudre durablement les conflits agriculteurs-éleveurs

Niger : résoudre durablement les conflits agriculteurs-éleveurs

[© Libre Afrique]. Les conflits entre agriculteurs et pasteurs sont très fréquents en Afriquenotamment au Niger, où les affrontements finissent bien souvent par des morts, des blessés, sans parler des dégâts matériels. Comment on est-onarrivé là ? Et comment sortir de cette impasse ?

Sources du conflit

Le conflit entre agriculteurs et éleveurs est une situation qui survientlorsque les animaux en pâturage viennent brouter ou saccager les cultures avant la récolte ce qui crée des affrontements. En effet, au Niger il y a toujours eu un contratimplicite d’occupation temporaire (entre la récolte et avant la semence) entre agriculteurs et éleveurs. Cet accord permettait d’enrichir naturellement les sols des matières organiques des excréments des animaux. Cette complémentarité autrefois bénéfique a disparu avec l’incidence de multiples facteurs parmi lesquels la pression démographique, les sécheresses successives ainsi que les transformations économiques. Le Niger a en effet une très forte croissance démographique (l’un des plus élevée au monde 3,9%), laquelleentraine une grosse pression sur les ressources naturelles et notamment sur les terres cultivables et l’eau. Selon les statistiques nationales, environ 100 000 à 120 000 ha de terres sont perdus annuellement du fait des conditions climatiques (désertification ou épuisement des sols), alors que les efforts de restauration ne dépassent guère 20 000 ha par an. Face à cette menace permanente sur la sécurité alimentaire, les valeurs ancestrales de solidarité et de partage ont laissé place à un égoïsme caractérisé par une course effrénée à l’accaparement des ressources naturelles. Depuis, les règles de vie communautaire sontbafouées par la nouvelle génération d’éleveurs et d’agriculteurs pour laquelle priment le profit et la satisfaction des ambitions personnelles.

Notons également qu’au Niger, les transactions foncières sans traces écrites sont encore courantes et dans ces conditions, les limites de la propriété transmise ne sont pas garanties. Cette difficulté, conjuguéeà une faible productivité de l’agriculture pousse les agriculteurs à occuper les espaces réservés pour le passage des animaux et les voies d’accès aux points d’eaux qui sont pourtant des passages obligatoires pour les pasteurs. Aussi faudrait-t-il souligner l’accaparement des terres de pâturage et en zones pastorales par les riches  éleveurs pour en faire des ranchs  surtout dans les départements de Filingué et d’Abalak, empêchant ainsi les autres pasteurs d’accéder aux ressources. Face à l’ampleur du problèmefoncier un «  comité ad hoc sur l’accaparement des terres et la privatisation des pâturages » au Niger a étécréé le 23 février 2015 par l’arrêté N°16/PMSGG. Mais la concrétisation de cette volonté est toujoursattendue.

De même, le manque d’opportunités et/ou d’alternatives économiques pour diversifier les revenus ne peuvent que contribuer à exacerber les conflits entre les usagers des ressources naturelles, en l’occurrence les terres et les points d’eau. Cela, ajouté à la circulation illégale des armes à feu, facilite la violence des affrontements.

Gestion du Conflit

La violence des protagonistes lors du règlement des conflits menace grandement la cohésion sociale. Cela témoigne de la faiblesse de la législation et de l’appareil judiciaire. Des instances ont pourtant étémises en place conformément au code rural mais elles manquent cruellement de moyens pour gérer les cas qui se présentent à elles. Une procédure de règlement des conflits par les chefs communautaires et les religieux est également prévue mais sans moyens pour employer du personnel, il est évident que la conduite de la procédure n’est pas aisée.

Ainsi, il est impératif de clarifier les textes de lois qui posent problème. A titre d’exemple les principesd’orientation du Code rural (Ordonnance n°93-015 du 02 mars 1993) font références à la loi n°62-11 du 16 mars 1962 en ce qui concerne la procédure pour le règlement des différends en précisant que la procédure judiciaire doit obligatoirement être précédée d’une tentative de conciliation devant les autoritéscoutumières. Le résultat de cette conciliation devant être consigné dans un procès-verbal. La loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 (abrogeant la loi n°62-11 du 16 mars 1962) ne fait aucune mention de cette procédure de conciliation. De même le Code Rural  véhicule des concepts à définition imprécise, par exemple «patrimoine commun de la nation », « égale vocation », «terres vacantes », etc.

Mieux que les tentatives de conciliation, c’est la prévention qui devrait être la priorité. En cela, l’Etat doit, en collaboration avec les chefs de communautés, redéfinir les limites des espaces pastoraux  et les conditions de leur jouissance. Les zones pastorales peuvent par exemple être identifiées, immatriculées et rattachées par des titres de jouissance aux éleveurs réguliers. Parallèlement, des solutions adaptées à chaquecontexte local doivent être envisagées et formalisées à travers une charte locale d’accès aux ressourcesnaturelles en toute équité. Aussi serait-il opportun d’organiser des séances de sensibilisation regroupantaussi bien les agriculteurs que les éleveurs tout en les faisant participer à la réflexion. Pour ce faire des radios communautaires peuvent être mises en place pour sensibiliser les populations sur la nécessité de respecter les règles de cohabitation établies dans l’accès aux ressources naturelles et ce dans les langues locales.  Aux agriculteurs, il faudrait enseigner des méthodes culturales pour améliorer la productivité sans avoir à augmenter constamment l’espace cultivé. Il s’agit notamment d’une agriculture adaptée au climatbasée sur des semences améliorées et résistantes à la sécheresse et un apprentissage des techniques d’irrigation des champs. Le gouvernement doit également mettre en œuvre les moyens nécessaires pour réaliser son projet « Les Nigériens nourrissent les Nigériens » (« 3 N »).

Face à la défaillance de l’état de droit et donc aux limites d’une approche centralisée, une approchedécentralisée contractuelle impliquant les différentes parties prenantes serait plus efficace L’Etat devraitveiller à réduire les coûts des négociations et des transactions, et veiller à faire respecter les contrats et les exécuter pour protéger les droits de tous les acteurs.

Mauriac AHOUANGANSI, étudiant-chercheur, Bénin. Le 20 février 2017.
© Source : Libre Afrique

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