Allocution de bienvenue du Président Mahamadou Issoufou du Niger, à l’ouverture de la 4è conférence des Chefs d’Etat du G5 Sahel à Niamey
Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Présidents des institutions de la République,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique et
Représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs,
Messieurs les chefs d’Etat du G5-Sahel, nous étions, à Tahoua, le 18 Décembre dernier, pour fêter ensemble le 59ème anniversaire de la proclamation de la République. Le peuple Nigérien avait salué, alors, votre présence qu’il a interprétée, à juste titre, comme une marque de solidarité supplémentaire entre lui et les autres peuples qui habitent notre vaste Sahel. Il m’a chargé de vous renouveler ses sincères remerciements et de vous souhaiter la chaleureuse bienvenue à l’occasion du présent Sommet ordinaire du G5 Sahel, le quatrième du genre. En son nom, je souhaite également la chaleureuse bienvenue à l’ensemble des participants.
Mesdames et Messieurs,
Ce n’est certainement pas un fait de hasard si le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Niger ont décidé de se mettre ensemble pour créer le G5 Sahel. Il en est ainsi parce que les peuples de ces pays ont un destin commun. Il en est ainsi parce que ces cinq pays, en plus de constituer un espace géographique quasi-homogène de cinq millions de kilomètres carrés, font face aux mêmes défis : aridité du climat accentué par les effets du changement climatique, faible indice du développement humain, faible densité de la population, structure démographique similaire avec des jeunes de moins de 24 ans représentant entre 60%(Cas de la Mauritanie) et 68% (cas du Niger) de la population, menaces des organisations terroristes et criminelles. Ces défis justifient que le G5 Sahel se soit fixé quatre priorités dans son plan d’investissement prioritaire (PIP) : la défense et la sécurité, la Gouvernance, les infrastructures, la résilience et le développement humain. Ces quatre priorités sont intimement liées. Permettez-moi d’apporter le soutien du Niger par rapport à tous ces points qui seront certainement évoqués par mon frère et ami, le Président Ibrahim Boubakar Keita, Président du G5 Sahel.
Mesdames et Messieurs,
A court terme, le défi sécuritaire est le défi majeur pour le Sahel qui doit faire face à trois foyers de menaces à l’intérieur ou à la limite de ses frontières : le bassin du lac Tchad, le foyer libyen et le Nord du Mali.
Si dans le bassin du lac Tchad, la Force Mixte Multinationale composée par le Cameroun, le Niger, le Nigéria, le Tchad, plus le Bénin est en train de neutraliser Boko Haram, la situation en Libye, au Nord du Mali et sur les frontières de ce pays avec le Burkina Faso et avec le Niger ne cesse de nous inquiéter.
Comme on le sait, le chaos libyen a amplifié, à partir des années 2012-2013, les menaces terroristes et criminelles dans le Sahel. En effet, la dissolution de l’Etat, dans ce pays frère, suite à l’intervention internationale que l’on sait, a mis à la portée d’aventuriers de toutes sortes un arsenal d’environ 23 millions d’armes de tout calibre. L’intensification du trafic des armes, qui en est résulté, a alimenté les trafics de drogue, d’êtres humains, notamment des migrants ainsi que le terrorisme et des mouvements identitaires. Suite à cela, des forces hétéroclites, terroristes, criminelles et identitaires se sont alliées pour déstabiliser le Mali dont elles ont eu à occuper les 2/3 du territoire. L’intervention Serval a permis de disperser ces forces du mal, mais elles sont toujours actives et s’étendent désormais aux frontières du Burkina Faso et du Niger.
Mesdames et Messieurs,
Pour faire face à cette situation que nous n’avons pas créée, chacun de nos pays a dû investir d’importantes ressources pour assurer la sécurité de son territoire et de ses populations. Le Niger, par exemple investit 15% de ses ressources budgétaires pour assurer sa sécurité.
Au-delà des mesures adoptées au plan national, notre organisation commune, le G5 Sahel a pris l’heureuse décision de mettre en place une Force- Conjointe. Il est urgent que cette force soit opérationnelle. La communauté internationale, dont les graves décisions prises sur la Libye ont eu des conséquences désastreuses sur la sécurité de nos pays, doit faire preuve de plus de solidarité vis-à-vis du Sahel. Je salue, ici, les efforts déployés par la France, aussi bien à travers l’opération Barkhane qu’à travers la mobilisation des partenaires pour réunir les ressources nécessaires à l’opérationnalisation de la force conjointe ou pour demander au conseil de sécurité de voter les résolutions appropriées autorisant son déploiement. Je salue les contributions, déjà annoncées, de l’Union Européenne, des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume d’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis. Néanmoins, nous aurions voulu que le Conseil de sécurité, dont c’est la responsabilité de défendre la paix et la sécurité dans le monde, autorise le déploiement de la force conjointe sous le chapitre 7 de la charte des Nations-Unies. Nous aurions voulu également que les relations entre la MINUSMA et la force conjointe soit plus organique, car le maintien de la paix dans une zone en guerre, comme c’est le cas du Nord du Mali, dépend, si j’ose dire, du sort des armes. Je salue les efforts entrepris, dans ce sens, par le Secrétaire Général des Nations-Unies, Monsieur Antonio Gutérès. Par ailleurs, je fonde l’espoir que la Conférence, prévue à Bruxelles, le 23 Février prochain, nous permettra de trouver un mécanisme de financement stable et pérenne de la Force Conjointe.
Mesdames et Messieurs,
La conférence de Bruxelles nous permettra d’examiner les questions relatives à la gouvernance notamment le renforcement de l’Etat de droit à travers un meilleur appui à la justice, l’amélioration de l’efficacité des administrations, la contribution des citoyens à l’élaboration des politiques publiques, l’amélioration de la gestion des finances publiques. Les pays du Sahel ont, en effet, besoin d’institutions démocratiques fortes, capables de renforcer l’unité nationale et d’exercer la souveraineté sur l’ensemble de leurs territoires. La réalisation, surtout dans les zones les plus isolées, d’infrastructures de transport (infrastructures routières, ferroviaires, compagnie aérienne) énergétiques, hydrauliques et de télécommunication avec la suppression des frais d’itinérance, peut y contribuer et permettre, par ailleurs, la mise en valeur des importantes ressources touristiques, énergétiques et minières dont recèlent ces immenses territoires. Le dernier axe du programme d’investissement prioritaire met l’accent sur la résilience et le développement : il s’agit notamment de l’accroissement de la résilience des populations vulnérables aux effets des changements climatiques, de l’amélioration durable de la situation alimentaire et nutritionnelle, de la gestion rationnelle et de la valorisation des ressources naturelles de la couverture des besoins sociaux de base (éducation et santé) avec un accent particulier sur la jeunesse pour laquelle une stratégie intégrée est envisagée et sur les femmes dont la situation fait l’objet d’une plate-forme.
La stratégie intégrée pour la jeunesse du G5 Sahel comporte notamment un projet régional d’appui à l’autonomisation des jeunes affectés par les conflits et la migration, la formulation d’un document cadre d’orientation pour l’élaboration des stratégies nationales de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent. S’agissant de la plate-forme femme du G5 SAHEL l’accent sera mis sur une plus grande autonomisation des femmes à travers la formation, l’entreprenariat et les activités génératrices de revenus afin de leur permettre d’apporter leur pleine contribution au développement. En effet les femmes sont les principales victimes des conflits mais aussi elles peuvent jouer un rôle clé en matière de génération de revenu et donc de lutte contre la pauvreté.
Mesdames et Messieurs,
La stratégie sécurité et développement du Sahel (SDS) embrasse donc tous les aspects de la vie politique, économique et sociale des pays du Sahel. La position géostratégique qu’occupent les pays du Sahel, par ailleurs pays de transit et d’origine de migrants, justifie que la communauté internationale en fasse une des priorités de son agenda. L’initiative française de l’Alliance pour le Sahel, qui enregistre de plus en plus d’adhésions, s’inscrit dans cette perspective. Nous ne doutons pas que les projets prioritaires, que nous avons retenus, bénéficieront du soutien des partenaires du G5 Sahel lors de la table ronde qui est envisagée dans les mois à venir. Nous sommes sur la bonne voie, celle du développement économique et social de nos pays, celle tout aussi importante de la protection de nos populations contre les attaques des organisations terroristes et criminelles. Le présent sommet permettra de marquer davantage notre élan et notre détermination dans la construction du G5 Sahel et la réalisation des différents projets dont il est porteur.
Le G5 Sahel est un instrument précieux d’intégration des peuples qui conforte nos ambitions continentales, telles que prévues par l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. Sortir des 84 milles kilomètres de frontières actuelles par le haut, c’est-à-dire par l’intégration et non en créant de nouvelles frontières, telle est notre ambition. C’est cela qui nous rendra plus forts. C’est cela qui rendra le Sahel plus sûr et plus prospère et, avec lui, l’Afrique dans son ensemble.
Je vous souhaite à tous un bon séjour au Niger. Je souhaite que vive le G5 Sahel et que vive l’intégration africaine !
Je vous remercie.