Interview du Ministre de la Santé Publique Dr Illiassou Idi Mainassara : d’importantes réformes mises en oeuvre et en cours
Le Ministère de la Santé Publique entreprend depuis un certain moment des reformes dans plusieurs sous-secteurs relevant de ses attributions. La Rédaction du PIEDESTAL s’est entretenue avec son locataire pour comprendre la portée de ces différentes mesures dont certaines ont déjà porté leurs fruits.
Le piedestal : M. le ministre, depuis votre prise de fonction vous avez pris un certain nombre de mesures visant à entreprendre des reformes au niveau du secteur de la santé, dites-nous quelles sont-elles ?
Illiassou Idi Mainassara : Plusieurs réformes sont en cours au niveau du Ministère de la Santé Publique. J’insisterai sur quelques-unes qui me semblent importantes et très bénéfiques à nos populations. Il s’agit du développement d’un système pharmaceutique fiable doté de ressources humaines et garantissant la disponibilité de médicaments de qualité sûre, efficace et accessible au niveau de tous les points de prestation de soins ; de l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients par l’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins donnés aux patients à travers la promotion d’une politique de développement continu de la qualité au sein des établissements de santé. Au titre de cette réforme, nous avons renforcé le contrôle et l’inspection des établissements de soins et pharmaceutiques à tous les niveaux aussi bien publics que privés. Un problème sérieux auquel est confronté plusieurs départements ministériels et en particulier celui de la santé publique, c’est celui de la Gestion des Ressources Humaines.
En effet, de façon récurrente, les résultats de toutes les études mettent en exergue la mauvaise gestion des ressources humaines dans le système de santé.En 2010, par exemple, en prélude à la préparation du PDS 2011-2015, le diagnostic fait ressortir déjà une insuffisance quantitative des ressources humaines en santé due aux contraintes budgétaires,à leur répartition déséquilibrée et à la complexité des redéploiements (Source PDS 2011-2015).
En 2015, le diagnostic organisationnel et fonctionnel du Ministère de la Santé Publique montre que « 75 % du personnel de santé travaille en zones urbaines, ce qui pose la problématique de l’utilisation du personnel de santé en zones rurales et urbaines. Ainsi donc, 75 % du personnel de santé soigne uniquement 10 % de la population. Il s’agit là d’une situation de déséquilibre et de manque d’équité qui doit interpeller tous les acteurs et preneurs de décisions du secteur ». (Source Mission d’audit organisationnel et fonctionnel du Ministère de la Santé Publique du Niger : rapport d’analyse de situation et diagnostic 2015 »
Au vu de cette situation décrite, il s’agit pour nous, en tant que premier responsable de ce secteur, de procéder à un redéploiement des effectifs existants pour tendre vers plus d’équité afin de faire bénéficier cette couche majoritaire de notre population que constitue la population rurale. Le Gouvernement de la 7ème République a consenti des efforts importants en recrutant plus de 700 médecins ce qui a permis de ramener le nombre des médecins de 350 en 2010 à 1.175 maintenant et plus de 3000 agents paramédicaux pour répondre aux besoins de santé des populations notamment rurales. C’est le lieu de rendre hommage à son excellence Elhadj Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat, pour sa clairvoyance et son souci d’améliorer de façon significative la santé de notre vaillante population. La dynamique de redéploiement du personnel vers les centres les plus défavorisés se fait en concertation avec les autorités locales, les partenaires sociaux du secteur mais également avec le concours de la société civile. Ce redéploiement va continuer.
Récemment vous avez sanctionné des cabinets et cliniques qui ne se sont pas conformés aux principes préétablis, quels sont ces centres et quel est le bienfondé d’une telle décision ?
Illiassou Idi Mainassara : Suite aux manquements constatés par les missions d’inspection des structures sanitaires privées diligentées en 2017 par l’Inspection Générale des Services dans les régions de Niamey et Dosso, nous avons procédé à des sanctions administratives conformément aux dispositions de la « Loi N° 98-016 du 15 juin 1998, portant autorisation de l’exercice privé dans le secteur de la santé » et son « Décret N° 98-329/PRN/MSP du 19 novembre 1998 fixant les modalités d’application». Deux types de sanctions administratives ont été infligés. Il y a eu quatorze (14) notifications de fermeture immédiate des établissements privés de soins du fait des manquements très grave mettant en danger la vie des citoyens et vingt-deux (22) notifications de mise en demeure des promoteurs pour régulariser leurs situations administratives.
Quel est désormais le sort de ces derniers, existe-il des possibilités de réouverture dans le cas où ils s’y confirmeraient ?
Illiassou Idi Mainassara : L’ouverture et l’exploitation d’un établissement privé de santé doivent respecter scrupuleusement les textes législatifs et règlementaires en vigueur régissant l’exercice privé des professions dans le secteur de la santé. Aucun centre de santé privé qui est dans les normes n’a été sanctionné, tout celui qui se conforme, il peut régulièrement mener ses activités.
Quelles sont les perspectives en termes d’amélioration de l’accès aux services de santé et aux soins de santé de base pour les populations ?
Illiassou Idi Mainassara : L’organisation du système de santé est calquée sur le découpage administratif du pays. L’organisation administrative comprend trois niveaux :L’administration centrale (niveau stratégique chargé de la définition des axes stratégiques) constituée par le Cabinet du Ministre, le Secrétariat Général, les Directions Générales et les Directions Nationales, les hôpitaux et centres nationaux de référence ; les Directions Régionales de la Santé Publique (niveau technique chargé d’appuyer les districts sanitaires) ; les Districts Sanitaires (niveau opérationnel chargé de la mise en oeuvre de la politique sanitaire). L’organisation technique comprend trois niveaux qui constituent la pyramide sanitaire incluant les structures publiques et privées (Selon les données de l’annuaire statistique de 2015) : le Niveau Central garant de l’appui stratégique constitué d’un Hôpital General de Reference (HGR), trois (3) hôpitaux nationaux (,HNN, HNL, HNZ), une (1) maternité nationale de référence (MIG), douze (12) centres nationaux de référence et quatre (4) centres de recherches ou d’appui.Le Niveau Régional ou niveau intermédiaire est représenté par les 6 Centres Hospitaliers Régionaux (CHR), les 7 Centres de Santé Mères Enfants (CSME)et bientôt un 7ème CHR pour la région de Tillabéry.Le Niveau Opérationnel (District) comprend 33 Hôpitaux de District (HD) dont 30 opérationnels et leurs réseaux de 913 Centres de Santé Intégrés (CSI), de 2516 Cases de Santé (CS), les cabinets et les salles de soins privés.
Outre les structures publiques ci-dessus énumérées et gérées par le Ministère en charge de la Santé Publique, le système de santé comprend également les établissements publics de soins relevant d’autres administrations publiques (services de santé des FDS, centres médico-sociaux de la CNSS) ; les établissements privés principalement orientés vers les activités curatives et concentrés dans les centres urbains.
Et pour le cas des pharmacies, y aurait-il une particularité dans l’amélioration de leur mode de fonctionnement ?
Illiassou Idi Mainassara : Le domaine de la pharmacie est bien réglementé et encadré par la loi pharmaceutique, l’ordonnance 97-002 du 10 janvier 1997 et son décret d’application. Il existe des textes clairs pour l’autorisation d’ouverture et d’exploitation de structures pharmaceutiques publiques et privées. L’entrée des produits pharmaceutiques dans notre pays ainsi que l’autorisation de mise sur le marché des produits pharmaceutiques sont encadrées par des textes nationaux et communautaires (UEMOA). La liste des médicaments autorisés à la vente ainsi que les tarifications à appliquer au niveau des centrales pharmaceutiques et des pharmacies privées sont régies par des arrêtés ministériels. Il revient au Ministère de la Santé Publique de veiller à l’application stricte de ces textes et d’appliquer les sanctions conformément à la législation pharmaceutique en vigueur.
L’Hôpital national de reference, un joyau construit à grands frais, où en sommes-nous par rapport à la plénitude de son fonctionnement ?
Illiassou Idi Mainassara : Le décret portant création de L’Hôpital Général de Référence a été adopté le 22 Juillet 2016 et l’hôpital a été réceptionné le 03 aout par le Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Elhadj Issoufou Mahamadou. Actuellement, l’HGR est fonctionnel avec une administration et des spécialistes qui fournissent des prestations depuis 2 mois. La sortie médiatique passée de responsable de cet hôpital en est la preuve.
La fréquentation des centres de santé régionaux a-t-elle augmenté depuis la dernière mise au point par les soins de votre équipe ? et l’effectivité de la gratuite des soins?Illiassou Idi Mainassara : Les centres de santés sont bien fréquentés et cela partout dans notre pays. Ce sont notamment les femmes et les enfants qui sont les plus nombreux à les fréquenter. Vous savez que plusieurs prestations de santé sont offertes gratuitement aux enfants et aux femmes. La gratuité de soins consiste à fournir des prestations de soins à la population cible c’est-à-dire les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les femmes désirant espacer les naissances, les césariennes et les femmes souffrant de cancers gynécologiques sans qu’ils ne participent financièrement. L’Etat en tant que garant de la santé de la population s’est substitué en tiers payant pour la prise en charge de ces prestations fournies gratuitement.
Mr le ministre disposez-vous des moyens nécessaires à l’accomplissement de votre mission ?
Illiassou Idi Mainassara : Le pays fait face à plusieurs priorités à la fois notamment le défi sécuritaire. En dépit de cette situation, l’Etat s’efforce de mettre d’importantes ressources (humaines, financières et matérielles) à la disposition de notre département ministériel. Cet effort est appuyé par nos partenaires techniques et financiers que je remercie au passage.
Quel est votre dernier mot ?
Illiassou Idi Mainassara : Nous avons de nombreux partenaires qui nous appuient dans notre mission.Il s’agit des PTF à savoir les agences des Nations Unies, PTF bi et multilatéraux, ONG internationales, coopération décentralisée, fonds verticaux, etc…Le Niger a signé en mars 2005 la ‘’Déclaration de Paris’’ sur l’efficacité de l’aide au développement qui repose sur cinq principes de base dont l’Appropriation, l’Harmonisation, l’Alignement, la Gestion Axée sur les Résultats et la Recevabilité Mutuelle. Sa mise en œuvre exige de grands changements dans l’approche et les outils de la coopération en général. C’est dans ce sens qu’ont été signé un Cadre de Partenariat pour la mise en oeuvre du PDS et en avril 2011, un compact pour appuyer la mise en oeuvre du PDS 2011-2015.
Le Compact est un Protocole d’Accord, un engagement moral.Il a pour objectif général de renforcer le partenariat entre le Gouvernement, la société civile et les PTF et d’améliorer la mobilisation et l’utilisation des ressources nécessaires à la mise en oeuvre du PDS.Nous sommes très satisfaits des appuis multiformes qui ont permis d’atteindre un certain nombre d’objectifs fixés par le secteur notamment l’objectif 4 des OMD celui de la réduction de la mortalité infantile.
C’est pourquoi je profite de cette opportunité pour leur réitérer les remerciements de Son Excellence Elhadji Issoufou MAHAMADOU, Président de la République, Chef de l’Etat, de Son Excellence Brigi Rafini, Premier Ministre, Chef de Gouvernement et de la population Nigérienne. Je les exhorte plus que par le passé à s’investir dans la mise en oeuvre du nouveau PDS 2017-2021.Nous remercions également les partenaires sociaux qui jouent un rôle très important dans la conduite de notre mission. Je n’oublie pas les cadres nationaux, régionaux, départementaux du Ministère de la santé Publique, tous les agents de santé, les autorités administratives, coutumières, religieuses, les élus, la presse publique et privée ainsi que l’ensemble de la population Nigérienne, car nos messages sont de plus en plus compris par toutes ces parties prenantes.
Propos recueillis par Seyni Ayouba KAKA